"[ÎLE BOURBON (RÉUNION)]. Jean-Baptiste Antoine PRAT, propriétaire et cultivateur à l’île
Bourbon; il était le fils du directeur de la prison de Sainte-Pélagie.
76 lettres autographes signées à sa sœur Agathe, artiste peintre à Paris. 247 pp. in-4 et in-
folio. Saint-Pierre, Manapagny, Saint-Joseph, Port-Louis, Saint-Benoît, Bourbier, Saint-Louis
(Bois de Nèfles) et Petite île, 1843-1879 (toutes les lettres sont écrites de l’île Bourbon, sauf
une de l’île Maurice). Adresses au dos avec marques postales (quelques lettres avec timbres
subsistant, la plupart ont été découpés). Déchirures à certaines lettres (parfois avec
manques). Quelques lettres sont écrites par son épouse Laure (née Ringwald).
Formidable et très intéressante correspondance permettant de suivre, sur plus de trente-
cinq ans, la vie et l’activité de ce planteur qui s’essaye à différents types de culture, de la
canne à sucre à la vanille, et jusqu’au pavot pour le transformer en opium. Les lettres sont
souvent très longues et fourmillent de détails sur son activité.
Dans la première lettre, écrite de Saint-Pierre le 30 avril 1843, il raconte son long voyage
après une traversée de 102 jours, ses impressions du pays, et justifie le choix qu’il a fait de
sacrifier la proximité de sa famille pour venir s’installer à Bourbon. Il développe une
première activité, l’enseignement. «Depuis quatre jours seulement, 26 avril, j’ai essayé de
monter une institution à St Pierre. C’était la seule corde que je pouvais avoir à mon arc. J’ai
en ce moment cinq élèves à 5 piastres par mois, chacun, j’en attends au moins une vingtaine
qui me sont promis d’ici à quelques jours. Si j’ai le bonheur d’arriver à ce résultat, je suis
sauvé, et je pourrai être à même de payer mes dettes […]». Mais rapidement, il change
d’orientation, il achète des terres, et se lance dans la culture; il a de grandes ambitions.
Manapagny «sucrerie Lau et Boissel, 15 juillet 1846. […] J’ai de la terre et des Noirs, je
cultive la canne à sucre, mais je ne peux faire que de petits revenus». Aussi lorgne-t-il sur
Madagascar, la grande île voisine. «Madagascar est la plus grande île de l’Océan Indien, ses
richesses sont immenses… Les ressources du sol fourniraient à tout un continent. C’est un
pays vierge, qui ne demande que la civilisation. La canne à sucre y vient trois fois plus belle
que celle de Bourbon ou de l’Inde. L’on pourrait la cultiver avec le plus grand succès. Les
mines de houilles sont incalculables, celles de plomb, de fer et d’argent sont en grand
nombre. Quelques milliers d’hommes suffiraient pour la conquête de cette belle colonie, qui
rapporteraient à la France de grands avantages et deviendrait plus tard la clef et l’arbitre des
mers de l’Inde […]». Ses affaires prospèrent, et il a sans cesse de nouveaux projets qu’il
chercher à concrétiser. Saint-Benoît 3 août 1862. «Nous avons en ce moment dans la
colonie un arbuste dont on pourra utiliser plus tard les produits avec un avantage
extrême: c’est le poinsettia appelé un jour à renverser la cochenille dont on se sert pour la
teinture. M. de Rontaunay le plus riche négociant de Bourbon vient d’en expédier pour
France cent livres de feuilles pour les soumettre à un examen sérieux. Les expériences ont
été faites à Saint-Denis par des médecins chimistes qui ont trouvé toutes les qualités
requises au Poinsettia […]».
Dix ans plus tard, c’est la vanille qui retient son attention. 19 sept. 1872. «[…] Oui, avec une
dizaine de mille francs, je pourrais faire cette entreprise avec succès, surtout possédant un
terrain propice pour cette culture: car dans un hectare de terre bien cultivée, on peut faire
à Bourbon dans 2 ans ½ jusqu’à 2000 livres de vanille; admettons un millier seulement à
20f. ceci fait 20,000 francs, et après cette première culture tous les ans la vanille est en
rapport; ce n’est donc pas la première culture qui est longue; cependant quand on peut
trouver des plants d’un mètre ou deux, la vanille rapporte au bout de l’année. J’ai planté 2 à
300 pieds de 25 à 30 centimètres: voilà pourquoi je compte deux ans à 2 ans ½ pour le 1 er
rapport […]».
Sont jointes quelques autres lettres adressées à Agathe Prat."
Estim. 3 000 - 4 000 EUR